Par Thomas Rabant, CEO et co-fondateur de ReGeneration.
Quel rapport entre un donut et l'agriculture ?
C’est vrai qu’à première vue, le lien n’est pas évident…
Pourtant, lorsqu’on recherche les moyens de construire un modèle et une économie soutenables pour l’humanité, et qu’à cette fin on se penche sur les travaux de Kate Raworth, économiste britannique à l’origine de la théorie du donut, en 2017, le rôle de l’agriculture dans cette construction s’impose comme une évidence.
Qu'est ce que la théorie du donut ?
C’est une manière simple et visuelle de montrer que l’humanité, si elle veut perdurer de manière juste et construire une économie inclusive et durable, doit s’efforcer de rester sur l’espace situé entre un plancher social, constitué de 11 droits et besoins humains essentiels, et un plafond environnemental, constitué de 9 limites naturelles.
Entre ces deux limites se dessine une forme bien connue : un donut.
Nous savons tous que, malheureusement, nombre de limites naturelles ont été dépassées : le changement climatique est une douloureuse réalité, tout comme l’érosion de la biodiversité, l’appauvrissement des sols, les menaces sur les ressources en eau, etc.
C'est là que l'agriculture entre en scène
Depuis longtemps, l’agriculture repose principalement sur un modèle productiviste qui appauvrit les sols et émet quantité de gaz à effet de serre : un quart des émissions d’origine humaine.
Transformer les pratiques agricoles à grande échelle pour adopter une agriculture régénératrice, qui ménage et laisse couverts les sols, restaure la biodiversité, améliore les ressources en eau et transforme les sols agricoles en puits de carbone, permettra de revenir à l’intérieur de certaines limites planétaires, tout en assurant une nourriture saine.
Pour reprendre les termes mêmes de Kate Raworth : « Apprenons à nos industries à ne plus “exhaler” de pollution carbonique, puis, par mimétisme avec les plantes, apprenons à “inhaler” du dioxyde de carbone dans nos produits et à le stocker pendant des siècles dans des sols agricoles riches ».
Investir dans l’agriculture régénératrice, ce n’est pas donc seulement soutenir des agriculteurs dans leurs efforts de changement de pratiques – soutien et reconnaissance dont ils ont grandement besoin – c’est se donner les moyens de (re)construire un espace sûr et durable pour l’humanité.
C’est enfin un moyen magistral de (re)construire une économie soutenable, de construire des entreprises elles-mêmes régénératrices, dont l’activité économique, sortie d’une vision à court terme (et donc condamnée), réussira à être profitable de manière pérenne.
Car, à l’occasion de la COP16 sur la biodiversité qui se déroule en ce moment même, la BCE l’a justement souligné dans une récente publication qu’elle vient de publier : les trois quart des entreprises de la zone euro dépendent de la nature dans leur activité économique et sont exposées à des risques physiques et financiers majeurs si les écosystèmes ne sont pas restaurés.
Investir dans la transition agro-écologique n’est pas donc le fruit d’une vision candide d’un certain futur souhaitable ; c’est une nécessité vitale et la condition d’une économie durable.