Moins on retourne le sol, plus il est vivant. Dans l’agriculture régénératrice, le travail minimal du sol est une pratique essentielle pour préserver la matière organique, améliorer sa structure et limiter les émissions de CO₂. Grâce à des techniques comme le semis direct et le strip-till, les agriculteurs peuvent cultiver tout en respectant l’écosystème souterrain.
Pourquoi limiter le travail du sol ?
L’agriculture conventionnelle repose souvent sur un labour intensif, qui expose le sol à l’érosion, détruit sa structure et accélère la libération de carbone dans l’atmosphère. Un hectare de sol labouré peut ainsi émettre jusqu’à 5 à 6 tonnes de CO2 par an, principalement en raison de l’oxygénation excessive qui favorise la décomposition de la matière organique. En revanche, un sol préservé stocke durablement du carbone et limite les pertes en nutriments essentielles.
Limiter le travail du sol permet aussi de mieux lutter contre l’érosion. Un sol en semis direct peut réduire l’érosion de 90 % par rapport à un sol labouré, en conservant une couverture végétale qui protège la structure du sol et retient l’eau. Cette couverture favorise également une biodiversité souterraine riche et active : dans un seul centimètre cube de terre, on trouve plus de 10 milliards d’organismes vivants, un chiffre qui dépasse largement la population humaine mondiale.
Autre avantage majeur, la séquestration du carbone est renforcée. En limitant l’oxygénation du sol, la décomposition de la matière organique ralentit, permettant de stocker chaque année entre 0,2 et 1 tonne de CO2 par hectare. À long terme, cela contribue à la régénération des sols tout en jouant un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique.
Semis direct et strip-till : des alternatives durables
Le semis direct repose sur un principe simple mais révolutionnaire : semer directement dans le sol sans le labourer au préalable. Cette technique réduit les perturbations du sol, améliore la rétention d’eau et limite l’érosion. Grâce au maintien d’un couvert végétal ou de résidus de culture, le sol reste protégé tout au long de l’année. Des études montrent que les exploitations en semis direct réduisent leur consommation de carburant de 30 à 50 %, diminuant ainsi leur empreinte carbone tout en améliorant la fertilité des sols.
Le strip-till, quant à lui, constitue un compromis entre le labour classique et le semis direct. Cette méthode consiste à ne travailler que des bandes étroites de sol où seront implantées les graines, tout en laissant le reste du sol intact. Ce mode de culture est particulièrement adapté aux sols lourds, où il favorise une meilleure implantation des cultures. En limitant l’évaporation excessive, il permet aussi une meilleure rétention de l’eau, qui peut être jusqu’à 25 % supérieure par rapport à un sol labouré.
Un sol vivant, un sol plus fertile
En limitant le travail du sol, on préserve non seulement sa structure, mais aussi la vie qui s’y développe. Les organismes du sol, comme les champignons mycorhiziens, jouent un rôle clé dans l’absorption des nutriments par les plantes et dans la stabilisation du carbone. Un sol non perturbé développe un réseau racinaire dense et profond, améliorant ainsi sa structure et sa résilience face aux sécheresses et aux excès d’eau.
Les pratiques de semis direct et de strip-till ont également un impact positif sur la fertilité des sols à long terme. Dans un champ bien géré, les légumineuses et bactéries fixatrices d’azote peuvent remplacer jusqu’à 80 % des besoins en engrais azotés, réduisant ainsi la dépendance aux intrants chimiques. Les rendements, qui peuvent parfois être légèrement inférieurs au début de la transition, deviennent plus stables après 5 à 7 ans, avec une amélioration notable de la qualité des cultures.
Comment intégrer ces pratiques dans une exploitation ?
Adopter un travail minimal du sol ne signifie pas un changement radical du jour au lendemain. Pour réussir cette transition, il est recommandé de tester d’abord le semis direct sur une parcelle afin d’observer les résultats. Introduire progressivement des couverts végétaux, qui protègent et enrichissent le sol, est aussi une étape clé pour éviter un retour en arrière.
Le strip-till peut être expérimenté sur des cultures adaptées, comme le maïs ou le tournesol, afin d’évaluer ses bénéfices en termes de structure du sol et de gestion de l’humidité. Surveiller la biodiversité du sol en analysant la présence de vers de terre et d’autres organismes indicateurs permet enfin de mesurer l’impact des pratiques mises en place et d’ajuster la transition au fil des années.
Réduire le travail du sol permet aux agriculteurs de produire durablement tout en préservant leur capital naturel. Moins de labour signifie moins d’érosion, moins d’émissions de CO₂ et plus de fertilité pour les générations futures. Il existe également d’autres techniques bénéfiques pour l’agriculture régénératrice.