Si les technologies de capture du carbone captent l’attention des médias et des investisseurs, une autre solution, bien plus ancienne et éprouvée, est parfois reléguée au second plan : les puits de carbone naturels.
Les solutions naturelles : des puits de carbone efficaces et durables
Les solutions naturelles, aussi appelées Nature-Based Solutions (NBS), s’appuient sur les écosystèmes existants pour capter et stocker le carbone atmosphérique. Ces solutions ne nécessitent pas de technologies complexes ou énergivores, mais plutôt une gestion adaptée des ressources naturelles pour optimiser leur rôle de puits de carbone.
Parmi elles, trois grands types de solutions se distinguent :
Les forêts : des capteurs naturels de carbone
Les forêts absorbent le CO₂ grâce à la photosynthèse et le stockent durablement dans la biomasse (arbres, racines) et dans les sols forestiers riches en matière organique. Une gestion durable permet de maximiser cette capacité de stockage tout en préservant la biodiversité et en fournissant du bois issu de filières durables.
Les zones humides et les mangroves : des puits de carbone méconnus
Les zones humides et les mangroves stockent d’importantes quantités de carbone dans leurs sédiments organiques pendant des siècles. Leur préservation est essentielle pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et protéger les côtes contre l’érosion, tout en régulant les cycles de l’eau.
Les sols agricoles : un potentiel immense sous-estimé
L’agriculture est souvent perçue comme un secteur émetteur, mais elle peut devenir un puits de carbone efficace grâce à des pratiques adaptées telles que le non-labour, les cultures de couverture et la rotation des cultures. Ces pratiques enrichissent les sols en matière organique, augmentant ainsi leur capacité de stockage de carbone tout en améliorant leur fertilité.
Pourquoi les solutions naturelles peinent-elles à convaincre ?
Malgré leur efficacité prouvée, les solutions naturelles restent sous-estimées face aux technologies industrielles de capture du carbone. Plusieurs facteurs expliquent ce manque d’adhésion :
- Un manque de sensibilisation : Beaucoup d’entreprises ignorent encore le potentiel des solutions naturelles et privilégient des approches perçues comme plus modernes et technologiques.
- Des attentes de résultats immédiats : La restauration des écosystèmes demande du temps, alors que les entreprises recherchent des impacts visibles à court terme.
- Des doutes sur la fiabilité et la traçabilité : La question de la mesure et de la certification des bénéfices environnementaux freine l’investissement dans ces solutions naturelles.
Ces freins ralentissent l’adoption à grande échelle de solutions pourtant éprouvées et disponibles immédiatement.
L'agriculture régénératrice : un puits de carbone puissant et sous-estimé
L’idée selon laquelle les sols agricoles peuvent jouer un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique suscite encore du scepticisme. Pourtant, de nombreuses études confirment leur capacité à capturer et stocker durablement le carbone atmosphérique sous forme de matière organique.
L’agriculture régénératrice repose sur un ensemble de pratiques visant à restaurer la santé des sols, à stimuler la biodiversité et à améliorer la résilience des exploitations. Ces pratiques, en favorisant l’accumulation de matière organique, transforment les sols en véritables puits de carbone, tout en apportant des bénéfices tangibles aux agriculteurs et aux entreprises.
En renonçant au labour profond, en diversifiant les cultures et en introduisant des couverts végétaux, les agriculteurs peuvent renforcer la structure des sols et leur capacité à séquestrer du carbone. Contrairement aux solutions technologiques coûteuses, l’agriculture régénératrice s’appuie sur des techniques accessibles et éprouvées.
Cependant, une question revient souvent : Comment garantir la fiabilité et la durabilité de cette séquestration ?
Pourquoi l’agriculture est-elle perçue comme moins fiable qu’une usine de capture de carbone ?
L’une des idées reçues qui freinent l’essor des puits de carbone agricoles est la perception selon laquelle une usine de capture de carbone serait plus fiable qu’un sol agricole. De nombreuses entreprises privilégient les solutions industrielles, pensant qu’elles offrent plus de garanties en matière de traçabilité et de rendement.
Ce biais repose sur plusieurs croyances :
- L’agriculture serait trop variable et peu prévisible : contrairement à une infrastructure fixe, une ferme est soumise à des aléas climatiques et environnementaux, ce qui pourrait rendre la séquestration de carbone plus fluctuante.
- Les solutions industrielles inspirent davantage confiance : une usine représente un investissement tangible et identifiable, avec un rendement calculable, tandis que la restauration des sols repose sur des processus biologiques perçus comme plus incertains.
- La technologie serait plus « scientifique » que la nature : beaucoup d’entreprises ont davantage confiance dans des solutions basées sur des avancées technologiques que dans des approches écologiques pourtant largement documentées et éprouvées.
Fiabilité et mesure : garantir la crédibilité des puits de carbone agricoles
Pourtant, ces préjugés ne résistent pas à l’analyse. La séquestration du carbone par les sols repose sur des mécanismes bien connus et validés scientifiquement. Des standards méthodologiques rigoureux comme ceux de Verra permettent aujourd’hui de garantir la traçabilité des émissions stockées dans les sols agricoles.
Contrairement aux infrastructures industrielles coûteuses et encore incertaines à grande échelle, les solutions agricoles sont déjà opérationnelles, accessibles et évolutives. Les agriculteurs engagés dans des pratiques régénératrices utilisent des techniques éprouvées qui permettent à la fois de stocker du carbone et de renforcer la résilience des territoires face aux dérèglements climatiques.
Les outils de mesure des sols (analyses de laboratoire, modélisation, télédétection) permettent de quantifier précisément les stocks de carbone et de garantir leur crédibilité auprès des investisseurs et des entreprises souhaitant s’engager dans une contribution carbone fiable.
Changer de regard sur les puits de carbone agricoles
Plutôt que d’opposer solutions industrielles et solutions naturelles, il est essentiel de reconnaître que les puits de carbone agricoles sont des réponses éprouvées et immédiatement actionnables. Ils ne nécessitent pas de décennies de R&D ni d’investissements colossaux dans des infrastructures incertaines : ils sont là, sous nos pieds, prêts à être valorisés.
Pour les entreprises en quête d’un engagement environnemental crédible et efficace, investir dans l’agriculture régénératrice n’est pas une alternative secondaire. C’est une opportunité concrète et mesurable pour restaurer les écosystèmes, assurer une séquestration du carbone durable et bâtir un modèle économique résilient.