La séquestration de carbone dans le sol en 5 questions

Si un nombre croissant d’agriculteurs et d’acteurs économiques du public et du privé s’engagent dans la séquestration (ou capture) de CO2 dans les sols agricoles, c’est parce qu’il s’agit d’un moyen reconnu d’atténuer le changement climatique. L’impulsion a été donnée en 2015 par la France pendant la COP21, à travers le projet « 4 pour 1000 » [1]. Élaborée par des chercheurs de l’INRAE, cette initiative fédère aujourd’hui plus de 700 membres et partenaires (dont ReGeneration) autour d’un fait démontré : en augmentant de 0,4% chaque année la quantité de carbone dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol, l’agriculture régénératrice permettrait de stopper l’augmentation du gaz à effet de serre (ou GES).

Quel lien entre le carbone et le sol ?

Les plantes absorbent le CO2 de l’atmosphère grâce à la photosynthèse, avant de le transférer dans les racines sous forme de sucre pour nourrir la biologie du sol. Les feuilles qui tombent au sol se décomposent aussi sous forme de matière organique. L’humus ainsi généré contribue à la qualité du sol et à sa fertilité. Ce processus, qui permet au système racinaire de se développer en profondeur, constitue ce qu’on appelle le cycle du carbone.

Le carbone est plus ou moins durablement stocké selon divers paramètres du sol, c’est-à-dire selon sa teneur en argile, en racines et en organismes vivants. Par ailleurs, la permanence du carbone dans le sol dépend aussi de facteurs externes (pratiques culturales, climat et événements naturels). On parle de séquestration lorsque l’humification est supérieure à la minéralisation, c’est à dire que lorsque les flux de CO2 entrant dans le sol sont supérieurs aux flux de CO2 émis dans l’air, de sorte que le dioxyde de carbone atmosphérique se trouve retenu durablement dans le sol, constituant ainsi un « puits de carbone ».

Pourquoi mettre l’accent sur les sols agricoles ?

Il existe d’autres types de réservoirs de carbone naturels utiles contre le dérèglement climatique [2]. En effet, cet équilibre biogéochimique qui repose sur la transformation et l’absorption du gaz carbonique par des micro-organismes vivants concerne aussi les océans, les tourbières et les forêts en formation. Mais si tant de chercheurs mettent en avant l’importance des terres agricoles dans la lutte contre le changement climatique, c’est que les pratiques agricoles utilisées par le passé ont fait baisser les stocks de carbone du sol à hauteur de deux tiers [3] et qu’en adoptant les principes de l’agroécologie, les agriculteurs peuvent inverser la tendance et augmenter significativement la capacité de stockage de carbone par les sols. Et stocker du carbone dans les sols, c’est retirer du CO2 de l’atmosphère. Et lorsque l’on se souvient que l’agriculture représente un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et que l’agriculture occupe environ 40% des terres de la planète, la transition de l’agriculture vers des pratiques régénératrices, plus vertueuses et stockeuses de carbone, est un levier majeur face aux enjeux du réchauffement climatique. L’agriculture peut et deviendra un secteur aujourd’hui émetteur de GES à un secteur stockeur dans les sols.

Quelles pratiques agricoles pour améliorer la capacité de stockage d’un sol ?

Les techniques qui favorisent la séquestration par les sols s’inspirent des savoir-faire agro-écologiques dans leur ensemble. Ce sont des méthodes en co-construction continue, qui grâce à l’agronomie, les démarches de progrès permettent de régénérer les sols.

Changer de pratiques pour adopter l’agriculture régénératrice consiste à diminuer le travail de sol, maintenir les sols couverts avec la plus grande diversité végétale possible et diminuer les intrants chimiques de synthèse ayant un impact délétère sur la biodiversité. L’ensemble de ces pratiques visent à produire un maximum de biomasse sur les parcelles et, pour régénérer la biodiversité, la présence d’infrastructures agroécologiques qui maillent le territoire est importante (haies, bosquets, forêts, arbres isolés, bandes fleuries).

ReGeneration, start-up à impact écologique, accompagne et soutient financièrement les agriculteurs qui souhaitent adopter ces pratiques. Parmi les experts qui cheminent avec nous, Félix Noblia, le « paysan-chercheur » pionnier de l’agriculture de conservation bio, obtient sur sa ferme des résultats écosystémiques édifiants. Il privilégie notamment l’agroforesterie qui consiste,à replanter des haies et des arbres Ces infrastructures permettent d’augmenter les performance des cultures ou en association avec le pâturage tournant dynamique d’en augmenter l’efficience. Ainsi, Félix observe depuis 2011 une forte augmentation de son stock de carbone, de ses rendements et de la qualité de ses produits.

Quels objectifs l’Europe s’est-elle fixée ?

En juin 2022, la Commission Européenne a choisi de cibler une réduction nette des émissions de GES d’au moins 55% par rapport à 1990, d’ici 2030. L’objectif est d’augmenter les absorptions de carbone de 310 millions (dont 34 millions pour la France) [4] par rapport à 2021. Selon l’INRAE [5], l’Hexagone pourrait séquestrer jusqu’à 5,78 millions de tonnes de carbone par an sur l’ensemble des surfaces agricoles et forestières. C’est bien plus que les 3,4 millions de tonnes par an visés par l’Europe. Mais l’INRA ajoute comme une condition absolue de diminuer aussi les émissions de protoxyde d’azote (dues aux engrais chimiques) et de méthane (provoquées par l’élevage intensif et les fuites des méthaniseurs). Il faut donc, au-delà des bonnes pratiques isolées, encourager « des évolutions plus radicales des systèmes de production agricole ». En d’autres termes, pour des résultats significatifs, il faut dès aujourd’hui et massivement engager une transition vers une agriculture restauratrice des sols, mais aussi des milieux naturels dans leur ensemble : une agriculture véritablement régénératrice. C’est la mission de ReGeneration, qui entend accompagner et financer la transformation agricole d’1 million d’hectares en France d’ici 5 ans, puis de 6 millions en Europe d’ici 10 ans.

Quels moyens pour ces ambitions ?

Le levier le plus pertinent dans le cadre de l’initiative « 4 pour 1000 » reste le crédit carbone, puisqu’il rémunère les efforts de séquestration des agriculteurs via le marché de la compensation volontaire de carbone. Pour rappel, le crédit carbone désigne une unité mise en place au lendemain du protocole de Kyoto de 1997, qui correspond à une tonne de CO2 évitée ou stockée [6] . Une tonne d’équivalent CO2 stockée correspond donc à un crédit carbone que l’agriculteur peut vendre sur le marché de quotas, en passant par un ou plusieurs organismes qui seront chargés de :
  • certifier les quantités de carbone séquestrées,
  • récolter les financements publics ou privés sur la base de ce carbone,
  • rémunérer l’exploitation.
Il faut simplement garder à l’esprit que, dans ce modèle, si l’agriculteur peut éventuellement toucher une partie de ses crédits carbone au cours de sa transition, les investissements et les risques du changement sont à sa charge, ce qui constitue un obstacle à l’extension massive des puits de carbone naturels.

ReGeneration soutient les agriculteurs en amont de leur démarche de séquestration carbone

Consciente de cet écueil, ReGeneration accompagne et finance les agriculteurs dès le début de leur transition agro-écologique et pendant 10 ans, en leur apportant un accompagnement agronomique pendant les 5 premières années (ces premières années sont les plus critiques) et un financement à hauteur de 100 euros par hectare et par an ces mêmes 5 premières années (et un revenu complémentaire variable les années suivantes).

Notre modèle repose sur deux piliers : un produit financier indexé sur la valeur future de la tonne du carbone et des certificats de régénération destinés aux entreprises. Ces certificats, qui reposent sur des méthodologies scientifiquement éprouvées et des mesures concrètes et transparentes des paramètres environnementaux, valorisent au mieux les nombreux co-bénéfices de l’agriculture régénératrice, notamment le stockage de carbone, l’amélioration de la biodiversité et du stockage de l’eau ou encore de la résilience et de la soutenabilité des exploitations agricoles.

[1] Initiative internationale « 4 pour 1000 »

[2] Il existe aussi des solutions artificielles controversées, coûteuses et contre-productives comme le captage et stockage du CO2 (CCS). En capturant le carbone à son point d’émission industrielle, en le transportant et en procédant à son enfouissement dans les grands fonds océaniques ou des roches perméables, ces projets génèrent parfois plus de CO2 qu’ils n’en capturent.

[3] Institut de recherche pour le développement : Carbofarm – Séquestration du carbone dans les sols agricoles dans un contexte hydrique limite

[4] Actualité du Parlement européen : Fit for 55: L’accord sur les puits de carbone rehausse encore l’objectif climatique de l’UE

|5] INRAE : Stocker du carbone dans les sols français. Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ?

[6] Depuis le 4ème rapport du GIEC en 2007, on parle plus exactement d’équivalent carbone, puisque les GES contiennent 6 types de gaz naturel.

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